L’argumentaire ci dessous, résumant nos principales questions sur le dossier d’enquête publique a été envoyé aux membre du Conseil Municipal de Saint-Nazaire qui devaient se prononcer au cours du conseil Municipal du 9 octobre 2020. L’avis du Conseil Municipal a (sans surprise) été favorable, mais pour une fois à donner lieu a des échanges qui ressemblaient à un débat, comme vous pourrez le constater sur la vidéo annexée.

CONTRIBUTION A L’ENQUETE PUBLIQUE - DEMANDE D’AUTORISATION ICPE RABAS PROTEC - EXPLOITATION D’UNE LIGNE DE TRAITEMENT DE SURFACE ET DE PEINTURE - COMMUNE DE SAINT-NAZAIRE 44

Le 10 septembre 2019 Monsieur le Sous-Préfet de Saint-Nazaire présentait un rapport de l’ORS Pays de la Loire révélant des chiffres particulièrement inquiétants quant à la santé des habitants de la CARENE dans lequel apparaissait une surmortalité par cancer atteignant 28% et même 35% chez les hommes parmi les 18-64 ans.

Le 23 juillet 2020 Monsieur le Préfet de Loire Atlantique signait l’arrêté n°2020/ICPE/189 portant organisation d’une enquête publique suite à la demande présentée par la société Rabas Protec pour obtenir l’autorisation d’exploiter une ligne de traitement de surface et de peinture sur la commune de Saint Nazaire, au 188 rue de Trignac.

Cette usine va utiliser et rejeter dans l’atmosphère un certain nombre de substances polluantes parmi lesquelles un composé du Chrome VI, le Chromate de strontium, reconnu cancérigène certain par le Centre International de recherche sur le cancer (CIRC) et inscrit sur la liste des substances extrêmement préoccupantes soumises à autorisation par l’Union Européenne.

Cette usine se situe à moins de 20 mètres des premières habitations, 80 mètres de l’internat de l’Institut Médico Éducatif Clémence Royer, 200 mètres de l’école Ernest Renan, 250 mètres de la crèche Pomme d’Happy, 300 mètres de la Structure Lit Halte Soin Santé, du gymnase Marc Garnier et de la Maison de Quartier, à 350 mètres de l’école Saint-Joseph et de la SEGPA Sainte Thérèse et à 500 mètres de l’école Paul Bert, de l’IME Clémence Royer, du stade Lemoine ... auxquels il faut ajouter une vingtaine de commerces, la ludothèque, la Poste...
La juxtaposition de ces deux informations (la surmortalité par cancer révélée par l’ORS et la nature du produit utilisé par l’entreprise) suffirait presque à elle seule à justifier notre opposition à cette installation mettant en danger la santé de la population riveraine et plus particulièrement celle des enfants fréquentant les écoles avoisinantes.

Nous avons cependant étudié le dossier présenté par l’entreprise et la SOCOTEC, avec de nombreuses difficultés tant ce dossier est touffu, mal présenté (documents non classés, dont il apparaît parfois plusieurs versions) et donc difficilement accessible aux simples citoyens que nous sommes.
Nous avons néanmoins un certain nombre d’observations à vous présenter qui, espérons-le, vous permettront de vous faire une opinion éclairant votre décision quant à l’avis que vous avez à rendre.

1- Pourquoi le dossier de demande d’autorisation environnemental fait-il référence à un zonage erroné pour les terrains de la société Rabas Protec ?

Dans le dossier de demande d’autorisation environnementale à la page 22 il est fait référence au document d’urbanisme. Ce dossier affirme que « la commune de Saint-Nazaire dispose d’un PLU approuvé le 18 décembre 2009 et que ses dernières modifications ont été approuvées le 30 mars 2017. Ce PLU place en zone UG la zone d’activités le long de l’estuaire dont font partie les terrains de la société RABAS PROTEC.

Le règlement applicable aux zones du PLU indique que le secteur UG correspond à une zone d’activités économiques localisées le long de l’estuaire et autour des bassins du Port regroupant les grandes activités industrielles et maritimes du secteur... » et conclut : « Aucun élément du règlement n’interdit l’exploitation d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation dans ce secteur UG ».

Or ces terrains ne sont pas classés en zone UG mais en zone UGi c’est-à-dire Zone Industrialo portuaire de transition dans lesquelles : « Les nouvelles installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation sont interdites » (page 120 du règlement).

Les faits suivants nous interpellent sur la sincérité du dossier présenté :
. 1 l’entreprise Rabas Protec pour régulariser sa situation suite au jugement du 
tribunal administratif annulant l’arrêté préfectoral d’autorisation faisait savoir 
qu’elle optait pour le dépôt d’un nouveau dossier d’autorisation. 

. 2 après une première lecture réalisée par les services de l’État de ce dossier un rapport de non-recevabilité a été établi par la DREAL et un courrier a été transmis à l’entreprise le 22 août 2019. Dans ce courrier la DREAL donne en ANNEXE 1 un certain nombre d’éléments rédhibitoires empêchant la mise à l’enquête publique et note « au vu de la situation administrative du site qui a vu son arrêté d’autorisation annulé, il ne peut être considéré que l’établissement est réputé 
comme une « installation existante » au sens de l’article 1 dudit arrêté » 


Rappelons que les règles d’urbanisme ont été modifiées pour la protection des populations, puisque le PLUi s’appliquant à compter du 17 avril 2020 a modifié le zonage des terrains où souhaite s’installer l’entreprise et place désormais cette zone sous la nomenclature UEe2. Or cette zone UEe2 n’autorise pas les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) quelles qu’elles soient.

Nous ne comprendrions pas que le Conseil municipal de Saint Nazaire, qui a proposé et approuvé ce nouveau PLUi plus protecteur pour les populations et interdisant l’installation d’ICPE quelles qu’elles soient dans cette zone jouxtant l’habitat résidentiel, fasse une exception et permette l’existence dans cette zone de l’ICPE Rabas Protec.

2- Pourquoi dans l’article 6 de l’arrêté préfectoral, seul le conseil Municipal de Saint- Nazaire est-il appelé à donner son avis, alors que les communes de Montoir de Bretagne et Trignac qui ont toute légitimité à donner le leur,ne sont-elles ni mentionnées, ni sollicitées ?

Lors de l’enquête publique concernant l’usine Stelia Aerospace, utilisatrice elle aussi de chromate de strontium, les communes de Montoir de Bretagne et de Trignac avaient été appelées à rendre un avis. Se pourrait-il que l’avis défavorable donné par ces deux communes ait conduit la Préfecture, au mépris de la loi, à ne pas les solliciter cette fois ?

La ville de Saint-Nazaire avait quant à elle rendu un avis favorable associé à quelques réserves. L’une d’elles insistait sur le fait « que le consortium aéronautique dont l’activité de Stelia relève, se donne vraiment tous les moyens de mettre en œuvre un produit de substitution au chromate de strontium pour 2019 »

Trois ans plus tard, fin 2020 en l’absence d’avancée sur la substitution de ces produits cancérigènes on peut penser que le consortium ne s’en soit pas vraiment donné les moyens. Bien au contraire une demande de dérogation de 12 ans a été déposée par le consortium CCST (Chromium Componds for Surface Treatment) arguant qu’il n’existe pas de produit de substitution ! Si à l’évidence les industries traînent des pieds dans ce dossier des pollutions industrielles nous voulons croire que vous, élus, avez pris conscience de ses enjeux majeurs en termes de santé publique.

Une autre réserve du Conseil municipal du 29 septembre 2017 proposait que Stelia Aerospace « participe au comité de suivi que la ville a demandé Madame la Sous-préfète de mettre en place pour suivre les questions relatives aux installations industrielles situées sur le quartier de Méan Penhoët »

Un tel comité de suivi sur l’ensemble de notre quartier représentait pour nous l’occasion de poser le problème de la pollution industrielle dans son ensemble et de mettre en place l’ « étude de zone » préconisée par Air Pays de Loire. Car raisonner entreprise par entreprise n’est ni raisonnable ni honnête au regard des rejets cumulés auxquels sont exposés les nazairiens et du fameux effet cocktail dont l’évidence n’est désormais plus niée.

Hélàs, à peine le rapport d’enquête publique bouclé, Monsieur Cotta nous informait le 9 février 2018 que tout compte fait « après échange avec les services de l’État, nous sommes favorables au maintien du comité de suivi de site (CSS) de Rabas Protec et à la création d’un CSS pour l’entreprise Stelia plutôt que d’en avoir un seul pour tout le quartier » ajoutant que « des CSS dédiés apparaissent comme beaucoup plus pertinents pour contrôler l’activité industrielle ». Vous comprendrez qu’un tel retournement en six mois nous a laissé pour le moins perplexes voire dubitatifs sur les intentions premières de la Mairie.

3- Pourquoi l’Autorité Environnementale n’a t-elle pas donné d’avis sur le dossier présenté par l’entreprise Rabas Protec ?

Il est intéressant de confronter cette absence de réponse aux avis de l’autorité environnementale (MRAE) des Pays de la Loire à propos du Plan Climat Air Energie Territoire (PCAET) de la CARENE en août 2019 :
« Concernant l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique, il résulte bien davantage de l’exposition permanente à la pollution qu’aux épisodes ponctuels de pics de pollution, relativement rares. Les actions de fond de réduction des émissions sont donc essentielles en termes d’impacts sanitaires. » (p.9 et 10)
Le bons sens veut que la première « action de fond des réductions des émissions » consiste à ne pas en ajouter de nouvelles en exposant les populations de façon permanente aux effluves de produits reconnus dangereux par les autorités internationales. Nous rappelons une fois encore que dans ce dossier c’est le principe de précaution qui doit s’appliquer car la protection de la santé publique est bien une des missions des élus municipaux.

4- Pourquoi l’ARS, 5 ans après une première enquête publique à l’occasion de laquelle elle s’était exprimée, continue-t-elle à ignorer la topographie de notre quartier ?

L’Agence Régionale de Santé continue à placer les premières habitations riveraines à une distance de 50 mètres. Et ce alors même que le dossier déposé par l’entreprise les situe tantôt à 10 mètres, tantôt à 20 mètres.

5- Pourquoi les manquements de l’entreprise aux obligations prescrites par l’arrêté ministériel du 9 avril 2019 sont-ils justifiés par un laconique « non applicable pour le site car l’installation est considérée comme existante » ?

Dans une grande confusion déjà signalée plus haut, le dossier produit plusieurs versions d’un même document (Annexe 21 Audit de conformités – v 2 et PJ N°1- Audit de conformités v4). La version 2 du 10 mai 2019 de l’audit de conformité considère l’installation comme existante (en rouge) alors que la version 4 du 9 septembre 2019 stipule page 6 « La société RABAS PROTEC est considérée comme une installation nouvelle ».

Il apparaît donc à la lecture de cette dernière version que la société ne demande pas moins de 7 dérogations et notamment sur des points concernant la sécurité :
. 1 La règlementation (Article 5 de l’arrêté du 9 avril 2019) n’autorise pas d’ICPE à moins de 20 mètres des habitations et les activités de traitement de surface doivent être implantées à une distance minimale de dix mètres des limites de la propriété, ce n’est pas le cas pour l’entreprise, la distance minimale est inférieure à 10 mètres. 

. 2 (Article 12-II) « Une voie engins au moins est maintenue dégagée pour la circulation sur la périphérie complète du bâtiment. » Ce n’est pas le cas. « En cas d’impossibilité, une aire de retournement comprise dans un cercle de 20 mètres de diamètre est prévue à son extrémité. » Ce n’est pas le cas pour l’entreprise. 

. 3 (Article 13) Désenfumage. Les locaux à risque définis sont équipés en partie haute de dispositifs d’évacuation naturelle de fumées et de chaleur [...] en cas d’incendie. Ces dispositifs sont à commandes automatique et manuelle. Leur surface utile d’ouverture n’est pas inférieure à 2 % si la superficie à désenfumer est inférieure à 1 600 m2. Ce n’est pas le cas pour l’entreprise, la surface utile d’ouverture est de 1%. 

. 4 (Article 39) « Hauteur des conduits d’extraction. [...] le débouché des conduits d’extraction dépasse d’au moins 3 mètres les bâtiments situés dans un rayon de 15 mètres. » Ce n’est pas le cas pour l’entreprise, les cheminées 2 et 3 ne dépassent que de 2 mètres. 


6- Pourquoi l’avis du Maire ou de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme ainsi que du propriétaire du terrain sur l’usage futur pris en compte en cas de cessation d’activité du site (article D.181-15-/-11 du code de l’environnement) ne figure t-il pas au dossier d’enquête ?

7- Pourquoi l’étude commandée par la ville de Saint-Nazaire à Air Pays de Loire est-elle falsifiée et tronquée dans l’Etude d’impact du dossier ?

Pour mémoire la ville de Saint-Nazaire a missionné Air Pays de Loire pour une étude qu’elle a mené du 31 octobre 2016 au 4 mars 2017. Son l’objectif était de permettre le dosage des Chromes VI et le cas échéant la présence de Chromate de strontium dans l’air de Méan Penhoët. Cet objectif n’a pu être tenu et seule la concentration en chrome total a pu être mesurée.

Néanmoins cette étude n’est pas dénuée d’intérêt, à condition cependant qu’elle soit correctement et honnêtement retranscrite, ce qui n’est manifestement pas le cas dans l’Etude d’impact du dossier Rabas Protec.

Dans l’extrait du rapport d’Air Pays de Loire présenté page 34, deux phrases sont soulignées, au sens propre du terme, sans indication de l’origine de ce soulignement, laissant croire au lecteur que c’est Air Pays de Loire qui aurait voulu mettre en évidence deux phrases dans son rapport. Il n’en est rien, le soulignement est bien l’œuvre des rédacteurs du dossier (Rabas Protec et SOCOTEC). Nous trouvons cette pratique tout à fait contestable !

Il faut ajouter que si certaines données sont mises en exergue d’autres sont en revanche passées sous silence ! C’est le cas pour les remarques suivantes :
− En fin de campagne du 2 au 17 février « une ou des sources locales d’émissions diffuses, d’origine industrielles ou d’autres typez d’activités économiques (petits établissements, ateliers...) ont significativement impacté les concentrations moyennes des sites nazairiens qui ont ponctuellement atteint 12.3 et 10.2 ng/m3 ». 

− la recommandation d’un « recensement des émetteurs potentiels de Chrome VI dans l’environnement du quartier de Méan Penhoët », mais aussi « un dimensionnement du dispositif de mesure tenant compte de ce recensement » et « Une durée adaptée permettant une évaluation des risques chroniques dans le cadre d’une étude sanitaire ». 
Ces lignes rédigées par Air Pays de Loire et regrettablement évitées dans l’Etude d’impact vont dans le sens de ce que nous défendons. Ne considérer les rejets que d’une seule entreprise ne correspond pas à la réalité qui impacte les riverains. Il est temps de prendre en compte le cumul des rejets de l’ensemble des entreprises utilisant du Chrome VI dans notre quartier. 


A l’évidence les éléments énumérés ci-dessus montrent que le dossier présenté par l’entreprise Rabas Protec est insincère, incomplet, illisible sur certaines pièces numérisées...

Il reste que, pour les riverains que nous sommes, notre opposition essentielle demeure l’utilisation et le rejet dans l’air que nous respirons de produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques comme le chromate de strontium, composé du Chrome VI et le Tétraborate de sodium, dont curieusement il est très peu fait état dans le dossier.

Notre quartier et ses habitants ont hélas une mémoire, celle de l’amiante et le consortium de l’époque se nommait Comité Permanent Amiante (CPA). Il s’opposait à l’interdiction de l’amiante pourtant reconnue cancérigène par le CIRC, en affirmant que son caractère dangereux était surestimé, qu’on pouvait en avoir un usage « raisonné » préservant la santé des travailleurs, et que de toute façon il n’existait pas de produit de substitution. En 1976 une première VLE (Valeur Limite d’Exposition) avait été mise en place, elle fut abaissée en 1986, en 1991 puis en 1996 et devant l’évidence qu’elle ne protégeait en rien, le produit a été interdit en 1997. C’est donc bien l’interdiction qui a permis la substitution, substitution que le consortium industriel de l’époque ne cessait de proclamer impossible.

Aujourd’hui nous avons, vous avez, les cartes en mains pour agir. Nous ne pouvons nous résoudre à imaginer dans une trentaine d’années la création une association des victimes du Chrome VI comme il existe aujourd’hui une association des victimes de l’amiante.

l’association Vivre à Méan Penhoët réunie le 30 septembre 2020

Posté le 8 décembre 2020
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