DANGERS ET VIOLENCES INDUSTRIELLES EN LOIRE ATLANTIQUE

mars 2021

Notre Maison Brûle propose des contenus et conçoit des outils utiles pour que tout un chacun.e puisse se former, se renseigner, cartographier et communiquer à toutes les échelles sur les dangers et les violences industrielles.

Les 20 et 21 mars Notre maison brûle faisait escale à Saint-Nazaire pour des Ateliers sur le risque industriel dans le département. Nous y avons modestement participé et livrons ci-dessous le bilan de ces ateliers, avec en perspectives de nouvelles mobilisation en septembre 2021.

Nous avons longuement hésité du lieu à investir pour venir tenir cette conférence de presse pour restituer le travail que nous avons réalisé hier toute la journée sur les risques et les impacts industriels dans le département et l’agglomération.
Mais au final, c’est devant la sous-préfecture que nous avons choisi de venir pour mettre en avant les enjeux de la prise de décisions et du contrôle démocratique.

C’était une journée d’éducation populaire où nous avons travaillé sur plusieurs ateliers animés par deux membres de la plateforme Notre Maison Brûle. Il s’agissait de découvrir plusieurs bases de données publiques permettant d’explorer notre « environnement industriel », les risques associés et les procédures et législations censées nous protéger. Plusieurs ateliers nous ont permis de prendre conscience de différentes problématiques : sites et sols pollués, mines et carrières, histoire des accidents, chiffres des cancers, installations classés, transports de matières dangereuses, ...

Tout cela était passionnant, passablement complexe et c’est tout un univers que nous avons commencé à découvrir. Cette journée en appelle bien sûr d’autres et nous a convaincu de la pertinence de ce travail pour développer « l’autodéfense populaire face aux dangers industriels ».
On a d’abord imaginé faire cette conférence de presse en nous rendant devant plusieurs sites industriels polluants ou dangereux. Nous ne manquons pas d’établissements dit « ICPE » = Installations Classées pour la Protection de
l’Environnement
, toutes recensées sur la carte réalisée par Notre Maison Brûle sur leur site internet. Nous avons appris à explorer la base de données des sites ICPE :

D’après le site gouvernemental géorisques, en Loire-Atlantique, il y a 1 034 usines, entrepôts logistiques et exploitations agricoles soumises à autorisation et à enregistrement dont 23 sites SEVESO extrêmement dangereux et/ou impactant notre environnement.
18 ne respectent pas la réglementation dont 3 sites SEVESO. Yara à Montoir de Bretagne, Total à Donges et Brenntag en plein Nantes.

On a hésité aussi à nous rendre devant l’école Carnot en plein centre de Saint-Nazaire. En effet, sur le site BASIAS et BASOL qui recense les anciennes usines potentiellement polluantes et les sols déjà considérés comme pollués nous avons pu découvrir par exemple que sur le terrain où a été construite il y a 40 ans l’école Carnot, il y avait un atelier de serrurerie et une tannerie. Activités susceptibles ayant utilisés massivement des produits chimiques toxiques et ayant pollués les sols. Et à l’époque de la construction, on ne faisait pas de surveillance de ce genre de pollutions. Alors, attention, si ça se trouve il n’y a rien de grave. Le site a peut-être été dépollué. On ne veut pas jouer à se faire peur. Mais qu’est-ce qui a été fait pour vérifier ? Surtout quand on sait que la majorité des industriels ont délocalisé sans dépolluer leur site. Nous trouvons que cet exemple permet de bien illustrer le type de démarche de vigilance citoyenne que nous voulons entreprendre.

On a également entendu parlé de la pollution du site prévu pour le port de plaisance qui a fait capoter le projet car la dépollution est estimé trop coûteuse. On trouve sur BASIAS et BASOL plusieurs exemples de pollutions des sols bien documentés, car analysées, à cause du passé industriel de tel ou tel endroit. Mais il y a 262 sites « potentiellement » pollués répertoriés pour lesquels il n’y pas plus d’informations rien que dans la ville de Saint-Nazaire. 4 098 en Loire- Atlantique et 950 rien que dans la ville de Nantes !

Dans un atelier, nous sommes revenus sur les chiffres des cancers en Loire-Atlantique. L’excès de cancers dans le coin fait régulièrement parler. Sur le site de l’ARS (Agence Régionale de Santé) on a pu retrouver ces éléments. Ce qui nous a frappé c’est que les causes environnementales ne semblent pas être prises au sérieux et c’est des comportements individuels qui sont pointés du doigt : en gros c’est « les pauvres qui fument et boivent trop ».
Et pourtant aucune donnée épidémiologique sérieuse, faute d’étude, ne peut venir étayer ce parti prit.

Nous avons pu rediscuter de tout cela avec des membres de l’association VAMP (Vivre à Méan-Penhoët) qui nous ont raconté.e.s leur combat depuis des années qui pourrait peut-être déboucher enfin sur une réelle étude épidémiologique. Ils nous ont raconté comment de fil en aiguille, en partant de la question de l’implantation d’une petite usine utilisant un produit très cancérigène, le Chrome VI, ils en sont venu.e.s à s’intéresser à l’ensemble du contexte industriel du territoire, aux conséquences sur la santé et la nécessité d’études plus poussées face aux méandres bureaucratiques des instances censées garantir le contrôle des risques et notre protection. Parti de rien, ils ont fini par acquérir une expertise impressionnante et illustre parfaitement le type de démarche que souhaite soutenir et promouvoir Notre Maison Brûle. Ils nous ont raconté leur participation aux nombreuses instances consultatives, aux commissions de suivi de site, aux enquêtes publiques. Ils nous ont raconté leur investissement bénévole que l’on voudrait qualifier d’héroïque (en temps investi et en volonté de ne pas lâcher l’affaire face à la machine administrative décourageante).

Finalement, c’est devant la sous-préfecture que nous avons choisi de venir pour mettre en avant les enjeux de la prise de décisions et du contrôle.
De nombreux exemples étudiés nous ont montré qu’in fine c’est le préfet à qui revient les arbitrages et décisions en lien avec la maîtrise des risques, le contrôle, la sanction, l’autorisation ou encore la dérogation. Décisions censées être prises au nom de l’intérêt général. Décision censée constituer une délibération soupesant les bénéfices et les risques dans des conditions très opaques. Et cette pratique nous questionne.

Précision bien une chose : nous sommes bien d’accord que le risque zéro n’existe pas. Que de nombreux objets manufacturés, de nombreuses activités que nous considérons comme indispensables nécessitent des industries potentiellement polluantes et dangereuses. La solution de délocaliser tout cela loin dans des pays moins regardant sur ces enjeux, de faire porter le poids de ces risques à d’autres est moralement inacceptable.

La question à se poser est : d’une part, que jugeons-nous indispensables à produire en dépit des risques. Et d’autre part, quels moyens se donnent-on pour les maîtriser et les contrôler. C’est pour nous une question démocratique majeure.
Pour nous protéger il y a plusieurs niveaux :

  • le niveau réglementaire
  • le niveau de surveillance et de contrôle,
  • le niveau des sanctions

Et à chaque niveau on a des arbitrages. Et la question centrale c‘est qu’est-ce qui pèse le plus au final dans toutes les décisions ? Les profits ou les besoins sociaux, des intérêts privés particuliers ou l’intérêt général ?
On assiste depuis des années à une politique qui assume explicitement que la priorité est de réduire les coûts, de rechercher la compétitivité au nom de l’attractivité des territoires.
On connaît aussi l’intense activité de lobbying des multinationales et les moyens énormes qu’elle peuvent mobiliser (au travers des exemples bien documentés de l’industrie du tabac, du pétrole, du médiator, de l’amiante, des pesticides, et bien d’autres) pour semer le doute sur la connaissance scientifique et faire pression sur les décideurs.

Notre confiance dans un État protecteur n’en sort pas renforcée. « On ne fait pas n’importe quoi » ... et ben on aimerait en être sûr.

Nous demandons donc de ne plus laisser le préfet décider de ces sujets en transférant sa compétente décisionnelle aux instances consultatives existantes que sont le CODERST au niveau départemental et les commissions de suivi de site au plus près des dangers. Le pouvoir de décider ne suffit pas. Il faut donner des moyens aux riverains comme aux travailleurs, dans ces instances de contrôle de construire une expertise citoyenne indépendante en ayant accès aux mêmes conseils que les industriels.

Rendez-vous le 23 Septembre prochain dans le cadre de la mobilisation nationale pour les 20 ans de la catastrophe d’AZF à Toulouse et les 2 ans de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.

Posté le 23 mars 2021
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